Mardi 08 Avril 2025
Pourquoi se vendre n’est pas un gros mot (et comment y parvenir)
Si beaucoup d’entre nous n’osent pas l’avouer, nous sommes nombreuses et nombreux à être parasités par ces petites voix intérieures du quotidien.
“Tu vas te faire remarquer”, “ça n’est pas très humble de présenter comme ça”, ‘une interview de toi, mais pourquoi te mettre autant en avant ?”, “tu ne peux décemment proposer ce prix-là !”.
Des exemples comme ceux-là, nous en avons mille : nous avons vu tant de fois les personnes que nous accompagnons butter face à la promotion de leur activité.
Si cette peur est souvent paralysante, nous savons qu’au fond de chacun d’entre nous, porteurs de projets, il y a cette envie de nous affirmer, cette volonté de mettre en lumière notre offre.
En somme, nous avons le désir d’incarner pleinement qui nous sommes et ce que nous pouvons apporter.
C’est néanmoins là que le bât blesse : comment parler de soi ?
Comment vendre un produit, une marque, un projet sans avoir l’impression de trop en faire ? Comme oser dire : voilà mon expertise, voilà ce que je propose, voilà pourquoi cela a de la valeur et pourquoi je le vends à ce prix-là.
En réalité, si nous avons tant de mal à passer ce cap, c’est parce qu’on ne nous a jamais vraiment donné le mode d’emploi.
Nous avons appris à être raisonnables, modestes, et à ne pas trop nous mettre en avant (un sujet qui touche particulièrement les femmes, victimes du syndrome de l’impostrice : on vous en parle juste ici).
Notre héritage culturel français nous a appris que parler d’argent, ou tout simplement se vendre, n’était pas une chose à faire en société.
Pourtant, vous le savez aussi bien que nous, c’est un rite de passage obligé pour pouvoir déployer notre activité !
Dans cet épisode, nous allons tenter de démêler les fils : pourquoi sommes-nous tant gênés à l’idée de nous mettre (un minimum) sous le feu des projecteurs ?
Comment faire pour nous rendre visibles et trouver le juste équilibre entre promotion de soi et humilité ? Comment monétiser nos projets sans passer pour un “requin” ?
Examinons tout cela à la loupe et voyons comment nous pouvons nous vendre de manière authentique, simple, humaine, avec un petit shot de confiance pour impulser tout ça.
Se vendre : un acte mal vu dans l’Hexagone depuis Mathusalem
D’après une étude réalisée en 2022 : “Seuls 56% des Français considèrent l’argent comme un sujet facile à aborder en société, ce qui en fait le deuxième sujet le plus délicat après la sexualité”, comme nous le rappelle l’institut de sondage Harris Interactive.
D’après ce même sondage, moins de 44% des Français déclarent savoir ce que gagnent leurs amis.
D’où nous vient cet embarras à parler finances, en particulier lorsqu’il s’agit des nôtres ? Pour répondre à cette question épineuse, il nous faut puiser dans nos racines judéo-chrétiennes.
Comme nous l’indique la sociologue Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au Cevipof et autrice de L’Argent et nous, dans cet article du Figaro : la tradition catholique, qui inonda notre culture durant plusieurs siècles, y est pour beaucoup.
C’est “une religion pour les pauvres, qui doit s’occuper des pauvres”.
Notre culture française a ainsi été façonnée par l’idée que l’enrichissement personnel était négatif, qu’il fallait faire preuve d’humilité et de modestie devant le divin. Vertu et effacement de soi étaient ainsi privilégiés, afin d’atteindre une forme de pureté spirituelle. “Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux.” (Matthieu 5:3 – Les Béatitudes)
Si aujourd’hui, nous sommes beaucoup moins nombreux à suivre les préceptes religieux dans l’Hexagone, il ne nous en est pas moins resté cette loi tacite : tu ne vanteras pas ton pécule en société.
Pourquoi l’argent est-il longtemps resté un sujet tabou ?
L’héritage de la culture paysanne, caractérisant la société française, a également influencé nos habitus : “Les paysans avaient de l’argent liquide à la maison, et il ne fallait pas en parler pour ne pas susciter les envies” nous explique Janine Mossuz-Lavau.
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la France, industrialisée tardivement, se méfiait de l’argent, contrairement à l’Angleterre. Cette dernière avait depuis longtemps sa “City” et était ancrée dans une logique capitaliste, agrémente Yannick Marec, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Rouen.
Certes, la donne a changé à l’heure actuelle avec notre société mondialisée : l’argent n’est plus caché sous nos oreillers ou dans le fond de nos tiroirs.
Néanmoins, comme le rappelle Yannick Marec : “La Révolution française est née d’une crise financière au cours de laquelle on a remis en cause le fait que les ordres privilégiés ne payaient pas d’impôts et s’enrichissaient. Cette dimension égalitaire et républicaine perdure”.
En effet, si nous jetons un coup d'œil à notre histoire, la noblesse française a longtemps été considérée comme une catégorie sociale s’enrichissant sur le dos du peuple. La Révolution et la Déclaration des Droits de l’Homme ont fait de l’égalité entre tous les citoyens une valeur centrale.
Résultat ? Il était devenu suspicieux de posséder plus que les autres et d’avoir plus de droits.
En somme, avoir de l’argent, c’était louche ! De cet héritage nous est resté une certaine pudeur à parler de nos portemonnaies en société.
Rappelons que le rapport à l’argent est fort différent chez nos amis d’Outre-Manche et d’Atlantique !
Baignés dans la culture protestante, les anglo-saxons valorisent le mythe du “self made man/woman”. Réussir financièrement relève de la bénédiction divine et non du péché.
A contrario, chez nous, Gaulois, le don de soi et le travail “silencieux” sont perçus comme des qualités nobles… Là où, au contraire, se mettre en avant ou chercher une reconnaissable visible peut être vu comme de la vanité et de l’injustice.
Vous l’aurez compris, cette combinaison d'influences religieuses et historiques a contribué à façonner une culture où l'auto-promotion est délicate. Se montrer ? Risqué. Parler de soi ? Suspect. Mettre en avant ses compétences ? Prétentieux.
Seul hic, dans le monde professionnel actuel où la communication de soi est au centre, rester dans l’ombre ne nous rend pas méritants ou méritantes. Cela nous rend simplement invisibles.
Alors, comment fait-on pour se vendre avec tout ça ?
Casser le tabou financier : une sacrée paire de manches
Dans “Se réconcilier avec l’argent”, un numéro du magazine Odyssées consacré à notre rapport aux sous, le rédacteur Mathias Savy nous parle ouvertement de son malaise face à l’argent et la façon dont nous pourrions casser ce tabou.
Il nous raconte qu’en novembre 2013, il croise par hasard Shuki, un chef d’entreprise israélien donnant sa conférence à Paris.
Il va le saluer, se montre chaleureux et la première question que son interlocuteur lui pose est : “Quel est votre métier ?”. Puis il embraye rapidement avec une deuxième question : “Est-ce que vous gagnez bien votre vie ?
“Je suis scotché”, nous raconte Mathias. “Nous faisons à peine connaissance, et Shuki me demande combien je gagne. Pour lui, la question est naturelle. Un peu comme s’il m’avait demandé : « Est-ce que vous passez de bonnes vacances ? » Mais mentalement, ça coince de mon côté.”
Dans cet article, Mathias Savy essaye de comprendre comment faire la peau à ce tabou qui pèse sur nous depuis tant de temps. Cette honte que nous avons de dire : voici ce que je vends et voici le prix de mon produit.
“Le tabou est souvent motivé par quelque chose d’essentiel : la peur. La peur d’être puni par Dieu ou les éléments. La peur de tomber malade ou d’attirer la malchance. Quand il s’agit d’argent, les gens font preuve d’un excès de pudeur. C’est un peu comme poser un oiseau mort sur le tapis du salon. Ça ne se fait pas. C’est même dangereux. Vous pouvez vous attirer de l’hostilité et des reproches avec un tel comportement.”
Pour Mathias, il est temps de “dépassionner le sujet”. Oui, nous pouvons nous autoriser à gagner de l’argent, À vendre notre marque, sans pour autant partager la même vision de la vie qu’un oligarque russe !
Si nous voulons désacraliser ce rapport à l’argent et pouvoir nous mettre en avant, il faudrait déjà commencer par enlever tout le poids symbolique véhiculé par la réussite financière en France. Elle n’est pas (forcément) synonyme de corruption.
“L’argent est ce que vous en faites”, nous rappelle le rédacteur.
D’ailleurs, c’est justement en parlant plus librement d’argent que nous pourrons déceler les “filouteurs”, ceux qui cherchent à se vendre pour les mauvaises raisons, avec une intention malhonnête.
En interrogeant leur activité, nous apprenons à connaître qui ils sont réellement.
Appelons un chat un chat : nous avons le droit de parler tarifs, sans pour autant vouloir dévorer tout cru nos clients.
Ceci étant dit, la première étape pour créer un lien honnête avec votre audience, c’est de gagner sa confiance.
Se vendre, c’est d’abord créer un lien de confiance
Nous venons de le voir à l’instant, certains de nos leviers culturels nous incitent à croire que l’acte de se vendre est présomptueux et cupide.
Mais alors, quid des auto-entrepreneurs et entrepreneuses, qui se représentent eux-mêmes ? Comment font-ils pour développer leur activité ? Devons-nous passer notre temps à nous excuser d’exister ?
Fort heureusement, il y a des moyens intelligents de le faire avec vos prospects ou futurs clients.
“La première étape pour vendre votre produit est d'instaurer un lien de confiance avec la personne, avant même de discuter avec elle. Si la personne en face de vous a confiance en vous, elle achètera dans 95 % des cas ce que vous lui proposez.” nous explique la juriste et coach business Imane, dans son podcast Lentrepreneuse.
Puisque nous héritons d’une culture où la promotion de soi est suspicieuse, trouvons des moyens pour gagner la confiance de notre audience et créons une relation de proximité avec elle !
Dans cette optique, Imane nous partage plusieurs approches.
Conseil nº 1 : Soyez le plus transparents possible
Basique et pourtant essentiel. En étant honnête sur votre marque ou votre projet, vous montrez à votre lecteur qu’il n’y a pas d’entourloupe, pas de petit vice caché dans les recoins.
Prenez votre (futur) client par la main et expliquez-lui réellement ce que vous proposez, à quel moment il le recevra, pourquoi les délais sont plus longs…
En somme, il s’agit de trouver un juste équilibre entre la transparence et l’auto-promotion. Certes, vous n’allez pas vous adresser à votre audience de manière outrageusement “cash” en enlevant toutes les formes, mais vous n’allez pas non plus redorer votre image avec un pistolet à paillettes.
Dites les choses de la manière la plus concrète possible, pour que votre public puisse se projeter.
Vous pourriez, par exemple, annoncer qu’en rejoignant votre programme de coaching sportif à distance, la personne recevra d’abord un appel de bienvenue, puis un accompagnement personnalisé d’une heure en visio, avec des exercices concrets, adaptés au profil de chacun, à mettre en pratique entre chaque session, etc.
Lorsque vous déploierez cette offre, évitez les mots superflus et l’excès de superlatifs. Cela sent l’entourloupe !
Nul besoin de dire : “Cette offre est incroyable, elle va révolutionner intégralement votre vie”. Vous pouvez, en revanche, parler des progrès constatés chez les personnes que vous avez coachées, leur demander de témoigner, parler de votre propre histoire…
En bref, créez une relation de confiance et essayez d’incarner le plus possible votre parole, en toute honnêteté.
Conseil nº 2 : Rappelez ce qui fait votre légitimité
Au-delà de la difficulté à se promouvoir et à parler d’argent, nous faisons également face à un frein de taille : dans l’univers de la désinformation et du flot d’offres proposées sur le marché, nous ne savons plus qui croire… ou qui choisir.
Comme nous le rappelle la podcasteuse Imane, n’hésitez pas à rappeler ce qui fait votre légitimité.
“Il faut que le prospect en face de vous puisse se dire : ok, elle (la personne) a les connaissances, elle a les capacités parce qu’elle a tel statut ou parce qu’elle a telle expérience. Par exemple, dans mon cas, je fais de l’accompagnement à la création d’entreprise. Je n’hésite pas à rappeler que je suis juriste. C’est un diplôme que j’ai, c’est une expérience que j’ai eu : la personne en face va se dire, je peux lui faire confiance.”
Même si cela peut vous sembler évident, le fait de rappeler votre expertise asseoit votre position de professionnel.
Vous proposez à vos clients de réduire leur empreinte carbone ? Montrez-leur que vous avez suivi une formation auprès d’un organisme certifié ! Vous souhaitez lancer votre marque de vêtements ? N’hésitez pas à parler de votre formation dans le domaine du design.
Bref, n’hésitez pas à en dire le plus possible sur vous, sans aller dans l’excès, bien sûr.
Conseil nº 3 : Répondez à un besoin concret
La meilleure façon pour éviter de passer pour un marchand de sommeil, c’est de montrer à votre cible que vous comprenez ses problématiques.
Vous pourrez utiliser tous les qualificatifs de la terre pour décrire votre produit, tant que vous ne répondrez pas à un besoin concret, vous risquez de passer à côté et de susciter la méfiance (piqûre de rappel sur notre héritage évoqué en début d’épisode !).
Pour cela, commencez par bien analyser votre audience. Qui est votre cible ? Quels sont ses besoins ? En complément, montrez-lui des preuves concrètes : avis, témoignages, résultats… Incarner votre offre avec des personnes et des preuves chiffrées aura tendance à générer la confiance. Nous avons affaire à quelque chose qui semble plausible et efficace.
Attention, ne tombez pas dans l’excès de marketing pour autant !
Ces preuves doivent être sincères et authentiques. N’oubliez pas qu’à l’heure de la sur-information : tout se sait.
Et parce que nous avons conscience que malgré tout cela, se vendre n’est pas chose aisée (après tout, nous portons un sacré bagage culturel), nous vous recommandons chaudement de vous faire accompagner dans ce processus.
Ne restez pas seuls face à vos doutes : osez demander l’aide d’un expert pour mieux présenter votre projet, bien connaître votre public, parler de vous en toute sincérité, etc.
Et pour faire le point sur vous-même et les compétences à travailler pour mieux vendre, nous vous recommandons chaudement le bilan de compétences, proposé par Garance & Moi.
Et vous, racontez-nous ! Comment voyez-vous l’acte de se vendre ? Comment faites-vous votre auto-promotion ? Dites-nous tout.
À dans deux semaines pour un prochain épisode,
La rédaction Mission : Reconversion !
Si beaucoup d’entre nous n’osent pas l’avouer, nous sommes nombreuses et nombreux à être parasités par ces petites voix intérieures du quotidien.
“Tu vas te faire remarquer”, “ça n’est pas très humble de présenter comme ça”, ‘une interview de toi, mais pourquoi te mettre autant en avant ?”, “tu ne peux décemment proposer ce prix-là !”.
Des exemples comme ceux-là, nous en avons mille : nous avons vu tant de fois les personnes que nous accompagnons butter face à la promotion de leur activité.
Si cette peur est souvent paralysante, nous savons qu’au fond de chacun d’entre nous, porteurs de projets, il y a cette envie de nous affirmer, cette volonté de mettre en lumière notre offre.
En somme, nous avons le désir d’incarner pleinement qui nous sommes et ce que nous pouvons apporter.
C’est néanmoins là que le bât blesse : comment parler de soi ?
Comment vendre un produit, une marque, un projet sans avoir l’impression de trop en faire ? Comme oser dire : voilà mon expertise, voilà ce que je propose, voilà pourquoi cela a de la valeur et pourquoi je le vends à ce prix-là.
En réalité, si nous avons tant de mal à passer ce cap, c’est parce qu’on ne nous a jamais vraiment donné le mode d’emploi.
Nous avons appris à être raisonnables, modestes, et à ne pas trop nous mettre en avant (un sujet qui touche particulièrement les femmes, victimes du syndrome de l’impostrice : on vous en parle juste ici).
Notre héritage culturel français nous a appris que parler d’argent, ou tout simplement se vendre, n’était pas une chose à faire en société.
Pourtant, vous le savez aussi bien que nous, c’est un rite de passage obligé pour pouvoir déployer notre activité !
Dans cet épisode, nous allons tenter de démêler les fils : pourquoi sommes-nous tant gênés à l’idée de nous mettre (un minimum) sous le feu des projecteurs ?
Comment faire pour nous rendre visibles et trouver le juste équilibre entre promotion de soi et humilité ? Comment monétiser nos projets sans passer pour un “requin” ?
Examinons tout cela à la loupe et voyons comment nous pouvons nous vendre de manière authentique, simple, humaine, avec un petit shot de confiance pour impulser tout ça.
Se vendre : un acte mal vu dans l’Hexagone depuis Mathusalem
D’après une étude réalisée en 2022 : “Seuls 56% des Français considèrent l’argent comme un sujet facile à aborder en société, ce qui en fait le deuxième sujet le plus délicat après la sexualité”, comme nous le rappelle l’institut de sondage Harris Interactive.
D’après ce même sondage, moins de 44% des Français déclarent savoir ce que gagnent leurs amis.
D’où nous vient cet embarras à parler finances, en particulier lorsqu’il s’agit des nôtres ? Pour répondre à cette question épineuse, il nous faut puiser dans nos racines judéo-chrétiennes.
Comme nous l’indique la sociologue Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au Cevipof et autrice de L’Argent et nous, dans cet article du Figaro : la tradition catholique, qui inonda notre culture durant plusieurs siècles, y est pour beaucoup.
C’est “une religion pour les pauvres, qui doit s’occuper des pauvres”.
Notre culture française a ainsi été façonnée par l’idée que l’enrichissement personnel était négatif, qu’il fallait faire preuve d’humilité et de modestie devant le divin. Vertu et effacement de soi étaient ainsi privilégiés, afin d’atteindre une forme de pureté spirituelle. “Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux.” (Matthieu 5:3 – Les Béatitudes)
Si aujourd’hui, nous sommes beaucoup moins nombreux à suivre les préceptes religieux dans l’Hexagone, il ne nous en est pas moins resté cette loi tacite : tu ne vanteras pas ton pécule en société.
Pourquoi l’argent est-il longtemps resté un sujet tabou ?
L’héritage de la culture paysanne, caractérisant la société française, a également influencé nos habitus : “Les paysans avaient de l’argent liquide à la maison, et il ne fallait pas en parler pour ne pas susciter les envies” nous explique Janine Mossuz-Lavau.
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la France, industrialisée tardivement, se méfiait de l’argent, contrairement à l’Angleterre. Cette dernière avait depuis longtemps sa “City” et était ancrée dans une logique capitaliste, agrémente Yannick Marec, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Rouen.
Certes, la donne a changé à l’heure actuelle avec notre société mondialisée : l’argent n’est plus caché sous nos oreillers ou dans le fond de nos tiroirs.
Néanmoins, comme le rappelle Yannick Marec : “La Révolution française est née d’une crise financière au cours de laquelle on a remis en cause le fait que les ordres privilégiés ne payaient pas d’impôts et s’enrichissaient. Cette dimension égalitaire et républicaine perdure”.
En effet, si nous jetons un coup d'œil à notre histoire, la noblesse française a longtemps été considérée comme une catégorie sociale s’enrichissant sur le dos du peuple. La Révolution et la Déclaration des Droits de l’Homme ont fait de l’égalité entre tous les citoyens une valeur centrale.
Résultat ? Il était devenu suspicieux de posséder plus que les autres et d’avoir plus de droits.
En somme, avoir de l’argent, c’était louche ! De cet héritage nous est resté une certaine pudeur à parler de nos portemonnaies en société.
Rappelons que le rapport à l’argent est fort différent chez nos amis d’Outre-Manche et d’Atlantique !
Baignés dans la culture protestante, les anglo-saxons valorisent le mythe du “self made man/woman”. Réussir financièrement relève de la bénédiction divine et non du péché.
A contrario, chez nous, Gaulois, le don de soi et le travail “silencieux” sont perçus comme des qualités nobles… Là où, au contraire, se mettre en avant ou chercher une reconnaissable visible peut être vu comme de la vanité et de l’injustice.
Vous l’aurez compris, cette combinaison d'influences religieuses et historiques a contribué à façonner une culture où l'auto-promotion est délicate. Se montrer ? Risqué. Parler de soi ? Suspect. Mettre en avant ses compétences ? Prétentieux.
Seul hic, dans le monde professionnel actuel où la communication de soi est au centre, rester dans l’ombre ne nous rend pas méritants ou méritantes. Cela nous rend simplement invisibles.
Alors, comment fait-on pour se vendre avec tout ça ?
Casser le tabou financier : une sacrée paire de manches
Dans “Se réconcilier avec l’argent”, un numéro du magazine Odyssées consacré à notre rapport aux sous, le rédacteur Mathias Savy nous parle ouvertement de son malaise face à l’argent et la façon dont nous pourrions casser ce tabou.
Il nous raconte qu’en novembre 2013, il croise par hasard Shuki, un chef d’entreprise israélien donnant sa conférence à Paris.
Il va le saluer, se montre chaleureux et la première question que son interlocuteur lui pose est : “Quel est votre métier ?”. Puis il embraye rapidement avec une deuxième question : “Est-ce que vous gagnez bien votre vie ?
“Je suis scotché”, nous raconte Mathias. “Nous faisons à peine connaissance, et Shuki me demande combien je gagne. Pour lui, la question est naturelle. Un peu comme s’il m’avait demandé : « Est-ce que vous passez de bonnes vacances ? » Mais mentalement, ça coince de mon côté.”
Dans cet article, Mathias Savy essaye de comprendre comment faire la peau à ce tabou qui pèse sur nous depuis tant de temps. Cette honte que nous avons de dire : voici ce que je vends et voici le prix de mon produit.
“Le tabou est souvent motivé par quelque chose d’essentiel : la peur. La peur d’être puni par Dieu ou les éléments. La peur de tomber malade ou d’attirer la malchance. Quand il s’agit d’argent, les gens font preuve d’un excès de pudeur. C’est un peu comme poser un oiseau mort sur le tapis du salon. Ça ne se fait pas. C’est même dangereux. Vous pouvez vous attirer de l’hostilité et des reproches avec un tel comportement.”
Pour Mathias, il est temps de “dépassionner le sujet”. Oui, nous pouvons nous autoriser à gagner de l’argent, À vendre notre marque, sans pour autant partager la même vision de la vie qu’un oligarque russe !
Si nous voulons désacraliser ce rapport à l’argent et pouvoir nous mettre en avant, il faudrait déjà commencer par enlever tout le poids symbolique véhiculé par la réussite financière en France. Elle n’est pas (forcément) synonyme de corruption.
“L’argent est ce que vous en faites”, nous rappelle le rédacteur.
D’ailleurs, c’est justement en parlant plus librement d’argent que nous pourrons déceler les “filouteurs”, ceux qui cherchent à se vendre pour les mauvaises raisons, avec une intention malhonnête.
En interrogeant leur activité, nous apprenons à connaître qui ils sont réellement.
Appelons un chat un chat : nous avons le droit de parler tarifs, sans pour autant vouloir dévorer tout cru nos clients.
Ceci étant dit, la première étape pour créer un lien honnête avec votre audience, c’est de gagner sa confiance.
Se vendre, c’est d’abord créer un lien de confiance
Nous venons de le voir à l’instant, certains de nos leviers culturels nous incitent à croire que l’acte de se vendre est présomptueux et cupide.
Mais alors, quid des auto-entrepreneurs et entrepreneuses, qui se représentent eux-mêmes ? Comment font-ils pour développer leur activité ? Devons-nous passer notre temps à nous excuser d’exister ?
Fort heureusement, il y a des moyens intelligents de le faire avec vos prospects ou futurs clients.
“La première étape pour vendre votre produit est d'instaurer un lien de confiance avec la personne, avant même de discuter avec elle. Si la personne en face de vous a confiance en vous, elle achètera dans 95 % des cas ce que vous lui proposez.” nous explique la juriste et coach business Imane, dans son podcast Lentrepreneuse.
Puisque nous héritons d’une culture où la promotion de soi est suspicieuse, trouvons des moyens pour gagner la confiance de notre audience et créons une relation de proximité avec elle !
Dans cette optique, Imane nous partage plusieurs approches.
Conseil nº 1 : Soyez le plus transparents possible
Basique et pourtant essentiel. En étant honnête sur votre marque ou votre projet, vous montrez à votre lecteur qu’il n’y a pas d’entourloupe, pas de petit vice caché dans les recoins.
Prenez votre (futur) client par la main et expliquez-lui réellement ce que vous proposez, à quel moment il le recevra, pourquoi les délais sont plus longs…
En somme, il s’agit de trouver un juste équilibre entre la transparence et l’auto-promotion. Certes, vous n’allez pas vous adresser à votre audience de manière outrageusement “cash” en enlevant toutes les formes, mais vous n’allez pas non plus redorer votre image avec un pistolet à paillettes.
Dites les choses de la manière la plus concrète possible, pour que votre public puisse se projeter.
Vous pourriez, par exemple, annoncer qu’en rejoignant votre programme de coaching sportif à distance, la personne recevra d’abord un appel de bienvenue, puis un accompagnement personnalisé d’une heure en visio, avec des exercices concrets, adaptés au profil de chacun, à mettre en pratique entre chaque session, etc.
Lorsque vous déploierez cette offre, évitez les mots superflus et l’excès de superlatifs. Cela sent l’entourloupe !
Nul besoin de dire : “Cette offre est incroyable, elle va révolutionner intégralement votre vie”. Vous pouvez, en revanche, parler des progrès constatés chez les personnes que vous avez coachées, leur demander de témoigner, parler de votre propre histoire…
En bref, créez une relation de confiance et essayez d’incarner le plus possible votre parole, en toute honnêteté.
Conseil nº 2 : Rappelez ce qui fait votre légitimité
Au-delà de la difficulté à se promouvoir et à parler d’argent, nous faisons également face à un frein de taille : dans l’univers de la désinformation et du flot d’offres proposées sur le marché, nous ne savons plus qui croire… ou qui choisir.
Comme nous le rappelle la podcasteuse Imane, n’hésitez pas à rappeler ce qui fait votre légitimité.
“Il faut que le prospect en face de vous puisse se dire : ok, elle (la personne) a les connaissances, elle a les capacités parce qu’elle a tel statut ou parce qu’elle a telle expérience. Par exemple, dans mon cas, je fais de l’accompagnement à la création d’entreprise. Je n’hésite pas à rappeler que je suis juriste. C’est un diplôme que j’ai, c’est une expérience que j’ai eu : la personne en face va se dire, je peux lui faire confiance.”
Même si cela peut vous sembler évident, le fait de rappeler votre expertise asseoit votre position de professionnel.
Vous proposez à vos clients de réduire leur empreinte carbone ? Montrez-leur que vous avez suivi une formation auprès d’un organisme certifié ! Vous souhaitez lancer votre marque de vêtements ? N’hésitez pas à parler de votre formation dans le domaine du design.
Bref, n’hésitez pas à en dire le plus possible sur vous, sans aller dans l’excès, bien sûr.
Conseil nº 3 : Répondez à un besoin concret
La meilleure façon pour éviter de passer pour un marchand de sommeil, c’est de montrer à votre cible que vous comprenez ses problématiques.
Vous pourrez utiliser tous les qualificatifs de la terre pour décrire votre produit, tant que vous ne répondrez pas à un besoin concret, vous risquez de passer à côté et de susciter la méfiance (piqûre de rappel sur notre héritage évoqué en début d’épisode !).
Pour cela, commencez par bien analyser votre audience. Qui est votre cible ? Quels sont ses besoins ? En complément, montrez-lui des preuves concrètes : avis, témoignages, résultats… Incarner votre offre avec des personnes et des preuves chiffrées aura tendance à générer la confiance. Nous avons affaire à quelque chose qui semble plausible et efficace.
Attention, ne tombez pas dans l’excès de marketing pour autant !
Ces preuves doivent être sincères et authentiques. N’oubliez pas qu’à l’heure de la sur-information : tout se sait.
Et parce que nous avons conscience que malgré tout cela, se vendre n’est pas chose aisée (après tout, nous portons un sacré bagage culturel), nous vous recommandons chaudement de vous faire accompagner dans ce processus.
Ne restez pas seuls face à vos doutes : osez demander l’aide d’un expert pour mieux présenter votre projet, bien connaître votre public, parler de vous en toute sincérité, etc.
Et pour faire le point sur vous-même et les compétences à travailler pour mieux vendre, nous vous recommandons chaudement le bilan de compétences, proposé par Garance & Moi.
Et vous, racontez-nous ! Comment voyez-vous l’acte de se vendre ? Comment faites-vous votre auto-promotion ? Dites-nous tout.
À dans deux semaines pour un prochain épisode,
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